« C’est rouge, c’est vert mais c’est orange ? »

Atelier pour tous
proposé par Sylvie Caty

Vous avez probablement tous vu la carte de France ces derniers jours. On a vu vert, orange et rouge, puis vert et rouge et on nous dit que le vert est quand même orange et que dans le rouge il y a un peu de orange si nous prenons nos précautions, que le rouge un jour ou l’autre va basculer au vert progressivement... je me disais tiens, là, j’ai peut-être un moyen pour faire comprendre le rapport que l’on entretient avec la couleur, sa perception. Voit-on tous bien la même couleur ? Pourquoi certains voient ou sentent par exemple dans le noir du bleu, une couleur en latence prête à surgir ? Eh oui, les couleurs ne sont pas toutes roses, elles ont leurs humeurs, leurs côtés versatiles, elles sont fugaces à la lumière, capricieuses, influençables. Il faut parfois les travailler au corps pour qu’elles révèlent leur personnalité, leur caractère, leur sensualité, leur âpreté, leur violence, leur douceur... Ici nous avons affaire à une histoire de communication, de langage et d’affinité. 

Voyons le vert : il est déjà le résultat d’un mélange de deux couleurs primaires : le jaune et le bleu, donc secondaire. Ajoutez une pointe de rouge, voyez comme son approche n’est plus la même, ce vert s’assombrit en gardant une certaine sobriété. Reprenez ce même jaune et ce même bleu, ajoutez une larme de blanc, il devient lourd, opaque, il perd de sa légèreté. Alors de quel vert voulez-vous parler ? Utiliserez-vous le vert-jaune comme le vert chartreuse (pour les connaisseurs de liqueurs ), le vert citron, (frais et dynamique), le vert-bleu, l’aqua, le vert de mer, le sarcelle (aux énergies subtiles, calme et plus chic, souvent utilisé par les designers), le vert-gris (comme le seafoam, nettoyeur moteur ou comme dans le radeau de la méduse de Géricault), le vert sauge (couleur hivernale), le vert-brun (comme l’olive foncé), le vert menthe, le vert sapin, le vert jade, émeraude, pistache, épinard, forêt… pour exprimer la colère ? La sérénité ? 

Et le rouge ? Cette couleur qui ne s’obtient pas en mélangeant d’autres couleurs, d’où son appellation couleur primaire, couleur indépendante. Symboliquement, elle évoque les honneurs mais aussi paradoxalement les dangers. On l’estime pour sa vitalité, sa vigueur, son instinct combatif, son agressivité, sa passion... Les rouges semblent être puissants. Rien qu’un verre de vin rouge de Bordeaux peut nous le témoigner. Le rouge a aussi son caractère, il peut être vif, carmin, cinabre, garance, de cadmium, de pérylène, de quinacridone, rubis, grenat, tomate, vermillon, minium, magenta. Alors quel rouge allez-vous choisir pour exprimer un éclat de rire ? La dureté d’un coup de poing ? Le rouge d’une interdiction, d’un danger... chaque rouge a bien sa veine.

Je vous propose un travail de peinture en fonction de ce que vous voyez et de ce que vous ressentez. Exemple : les épinards. Essayez de vous approcher le plus possible de sa couleur véritable en choisissant tel jaune, tel bleu, en rajoutant un peu de ceci un peu de cela. Lorsque vous sentez que ça y est, vous l’avez trouvé, déposez-la sur votre feuille et oubliez-la. Le deuxième travail consiste à trouver la couleur de votre ressenti lorsque vous avez des épinards dans la bouche. Son goût. Vous allez voir que la couleur ne sera plus la même. Rappelez-vous aussi de ce petit bout d’épinard coincé entre vos dents. Ce vert sera tout aussi différent parce qu’il vous aura contrarié.

Le but de cet exercice est de donner à vos couleurs ce qui vous caractérise, vous personnalise et on s’en fout si quelqu’un vous dit que ce n’est pas la couleur réelle des épinards ou qu’il manque du sel. Ce qui compte c’est que la couleur soit à l’image de ce que vous goûtez.

Références :

  • Michel Pastoureau, Vert - Histoire d’une couleur, éditions Poche, 2017 ; 
  • Michel Pastoureau, Rouge - Histoire d’une couleur, éditions Poche, 2016 ;
  • à écouter ou réécouter avec délice : le sketch de Philippe Caubère avec son fameux ORRANGE ! 
  # Grand public / 2019-2020 / A la maison / #8
  # Grand public / 2019-2020 / A la maison / #8